Comment François Ciric réinvente le contenu à travers le digital ?

Ciric14.02.23

Dans ce nouvel épisode d’En Sous-Marin, j’interviewe François Ciric, UX designer et plasticien, qui adopte une approche entièrement digitale. Il y partage son parcours et dévoile quelques-unes de ses œuvres et son portfolio. Ce projet parallèle, distinct de son activité professionnelle, explore la création visuelle sous un angle numérique pour créer le meilleur contenu.

Quel est ton parcours ?

FC : J’ai commencé en logistique et j’ai toujours été très sensible à l’art, mais à un moment donné, j’ai voulu vivre de ma passion. D’autant plus que les entrepôts et les palettes, ce n’était pas vraiment ma tasse de thé. En 2013, j’ai franchi le pas et je me suis retrouvé dans le cosmos, avec un gros nuage au-dessus de moi. Ce moment de plénitude, entre deux rêves, m’a conduit vers l’art digital. Cette inspiration onirique me vient d’un artiste que j’admire profondément : Salvador Dalí. Ce peintre surréaliste d’origine espagnole ayant vécu en France est célèbre pour ses œuvres abordant des thèmes comme les rêves, la sexualité et la religion. 

Par ailleurs, ce qui a nourri mon envie, c’est mon amour pour les échanges avec les gens sur des sujets variés avec un contenu accessible. Pour moi, la peinture est un support qui me permet de partager davantage et d’une manière cathartique. Je peux affirmer que j’adore communiquer. C’est dans ce contexte que je me suis tourné vers les arts plastiques, la philosophie de l’art et le design. Tout cela m’a inspiré et donné des idées pour lancer mes projets.

Est-ce que tu peux expliquer le contexte particulier dans lequel tu crées tes œuvres ?


FC
: J’ai commencé par le graffiti. Ensuite, quand je suis arrivé à la fac, je me suis intéressé à l’art de manière plus approfondie, notamment avec la peinture à l’huile et le broyage des pigments, une activité assez laborieuse, il faut bien l’avouer. En explorant différents supports, j’ai découvert le numérique et tout ce qu’il offre pour créer un contenu créatif, notamment ses raccourcis, comme le fameux « Ctrl + Z ». Mon objectif est de mettre de côté les contraintes techniques pour me concentrer sur la composition de l’espace, bien sûr. Comme si un musicien composait des notes sans pour autant les jouer. 

Est-ce que tu penses qu’il y a une culture ou un mouvement artistique associé à tes œuvres ?

FC : Quand j’ai montré mes créations à des amis, ils m’ont dit que cela ressemblait à de l’expressionnisme abstrait. Mon ambition est d’éviter qu’une œuvre soit figurative, afin qu’elle ne paraisse jamais achevée. Parmi les peintres qui m’inspirent particulièrement, je pense immédiatement à Francis Bacon.

Est-ce que tu penses qu’il y a quelque chose dans l’abstrait qui permet de guider l’esprit ?

FC : Très bonne question. Dans une œuvre abstraite, une personne voit ce qu’elle a envie d’y voir. Il n’y a pas vraiment de règle. À titre d’exemple, avec le figuratif, il est possible de remarquer directement si un coude n’est pas bien placé. En revanche, à travers l’abstrait, la composition est au service des émotions. 

Est-ce que tu peux nous expliquer ton processus de création ?

FC : J’ai ce besoin d’exprimer ce que je ressens. Pour moi, c’est avant tout un espace dans lequel je peux laisser libre cours à mes émotions. Créer, c’est m’autoriser un espace d’expression personnelle. Les musées, les galeries ou encore une toile deviennent des terrains d’exploration lorsqu’ils sont considérés comme des espaces avec leurs propres règles. Ma démarche s’articule autour de la fouille et d’un constat amiable. Comme le dit souvent mon ami Mathieu Flores : un archéologue fouille pour découvrir des objets des temps anciens. Dans mes œuvres, je ne cherche pas à mettre en avant des idées préconçues, mais à explorer pour trouver quelque chose d’inédit, avec curiosité.

Comment combines-tu cette idée de fouille avec l’univers digital dans lequel tu crées ?

FC : Finalement, cela revient à ajouter de la matière. Quand je parle de fouille, cela signifie poser de la « matière » sur une toile numérique. Dans cet univers, cela peut prendre la forme de coups de pinceau, d’empreintes ou de textures. Je commence souvent par les disposer de manière désordonnée, avant de les organiser pour donner forme à ce que je souhaite créer. Sans cette matière initiale, il est difficile de se projeter dans l’œuvre. Je me suis toujours dit que si j’étais bloqué devant une feuille blanche, je trace un trait, juste pour briser le vide.

Est-ce que, lorsque tu crées, tu ressens quelque chose en particulier ?

FC : Au fil du processus, une vision de la composition se développe, permettant de la confronter à ce qui est recherché. À un certain stade, le peintre peut se dire : « Là, ça tient, dans la ligne ou dans la couleur. » Il ne s’agit pas nécessairement de narration, mais de créer un environnement pictural qui possède sa propre existence.

Tes œuvres s’inscrivent dans un monde qui évolue rapidement. Comment fais-tu pour rester au-dessus des tendances ?

FC : C’est un produit du monde dans lequel on vit. Il est possible de choisir de publier en décalage avec le timing des tendances, ouvrant ainsi la voie à un nouveau départ. Ce contexte semble orienté vers des créations léchées et parfaites. Il est intéressant d’aller à contre-courant et rendre le digital « sale ». Je déteste les couleurs vives qui écrasent le visuel. Ce que je veux représenter, c’est avant tout la texture et la complexité. Je me demande parfois si je ne cherche pas à imiter le réel avec quelque chose de physique et d’organique. Mais, finalement, ce qui compte, c’est le plaisir que j’en tire.

Peux-tu sortir ton téléphone et nous présenter l’œuvre que tu préfères ?

FC : Je n’ai pas vraiment de préférée, mais je vais tout de même parler de Error Copying File. Je vais même te la montrer sur mon téléphone, via mon compte Instagram Ciric.eth. C’est une adaptation du fond d’écran de Windows XP que j’ai complètement tordue dans tous les sens. On peut encore imaginer la colline verte avec le ciel bleu. Cette œuvre explore une déformation de l’iconographie classique. De temps en temps, j’utilise des photos pour m’aider à peindre, et ici, j’ai ajouté une personne en noir et blanc issue d’une photo. Ce que je n’aime pas dans la peinture, c’est me sentir enfermé dans un style. Mon œuvre reflète ce désir de mélanger différents éléments pour offrir une nouvelle perspective.

À découvrir : un nouvel épisode audio d’En Sous-Marins réalisé par Pierre Aboukrat. Disponible via mon Linktree ⬇️